samedi 20 mars 2010

Coléoptique


C'est maintenant ou jamais. A force de me camoufler, de toujours repousser le moment de franchir la frontière de mon repaire, je m'ankylose. A trop observer le vaste monde du fond de mes velléités, je me ratatine. Mon courage s'étiole. La conscience de ma fragilité s'aiguise à chaque départ différé. Y aller avant que la peur n'ait eu raison de moi. Y aller, mais prudemment, à petits pas. Si les choses tournent mal, je pourrais battre en retraite. Non, y aller. Hardiment.
Je dois l'avouer, je suis un peu déçu de ce que je découvre. Je croyais me souvenir qu'alentour de mon terrier s'étendait une contrée luxuriante où s'épanouissaient des étendues verdoyantes constellées de jaune, de bleu, de rouge. Au lieu de cela, je dois escalader de hauts blocs de pierre irréguliers. Je progresse lentement et avec quelques difficultés dans ce territoire aride. Petit à petit, je m'habitue, lui trouvant même un certain charme. A ce désert pierreux succède un paysage encore plus déconcertant: un ruban noir se déroule à perte de vue, uniforme, monotone. Je n'ai pas envie de m'attarder en ces lieux hostiles, je force l'allure. Soudain, un vrombissement monte de l'horizon, enfle, remplit l'espace. Je pressens un danger sans parvenir à l'identifier. Un crissement me transperce de douleur, puis tout se tait.
Lorsque j'ouvre les yeux, je suis ébloui par une énorme tache blanche. La tête cotonneuse, les pattes emprisonnées dans un carcan en plâtre.

-Vous l'avez échappé belle, me sermonne la forme blanche. Sans la présence d'esprit du conducteur… Qu'aviez-vous dans la tête pour vous jeter comme ça sous la voiture?

- Un hanneton!

Photo YLD

samedi 6 mars 2010

Pour les beaux yeux de…


Mon petit chou… Une marque d'affection; sa manière, un peu niaise peut-être, mais touchante, d'exprimer sa tendresse, me direz-vous. Naïfs, que vous êtes! Ces paroles onctueuses accommodées de regards cajoleurs annoncent toujours une traîtrise. Alléchant bonbon acidulé qui vous titille les papilles et vous laisse le savourer pour mieux distiller son poison.
–Tu sais, mon petit chou, je vais finalement y aller à ce week-end avec le chef de studio. Vous ricanez. C'est bête comme chou. La dernière fois, ayant perdu son porte-monnaie, elle avait bien été obligée de se faire héberger par le DJ de la boîte de nuit –Mais enfin, mon petit chou, je ne pouvais quand même pas rentrer à pied, à trois heures du matin. Avant cela, il y avait eu cet avion cloué au sol pour vérification des moteurs –Tu sais, mon petit chou, ce steward a vraiment été très gentil, tu imagines une nuit entière dans cet aéroport. Il y avait eu cet hôtel qui n'avait pas enregistré la réservation –Tu comprends, mon petit chou, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans ce charmant guide tunisien.
Que croyez-vous? J'ai tout essayé, les reproches, les larmes, les sarcasmes, les insultes, les menaces. Chou blanc. Impuissant à exorciser le maléfice de son sourire, à conjurer la magie noire de ses yeux candides.
Un vrai légume, rongé par la jalousie, vous moquez-vous. Pauvres innocents qui ne vous êtes jamais brûlés au feu de ses baisers, qui ne vous êtes jamais consumés dans le brasier de ses caresses. Vous qui n'avez jamais… Vous… Mes amis… Elle a…
Elle a fini comme Marilou.
Photo YLD