vendredi 30 septembre 2011

Yolanda, be cool!


Nous aurions dû nous méfier. Ne pas nous laisser bercer par son nom irénique. La paix, tu parles! Imprévisible, impulsive, irréfléchie. Une chipie, qui nous a fait tourner en bourrique toute une journée, trépignant, sanglotant, faisant mine de se calmer, pour se déchaîner de plus belle. L'avait-on contrariée? Vexée? Blessée? Aucunement! La demoiselle est capricieuse, voilà tout. Il faut dire qu'elle a de qui tenir, Irène. Bien avant elle, Betsy et Camille se sont distinguées par leur mauvais caractère. Prenant un malin plaisir à tout bousculer sur leur passage, à mettre tout le monde sur les nefs. Horripilantes. Il n'y en a pas une pour rattraper l'autre. L'aînée d'Irène, Katrina, la gloire, l'orgueil de la famille, est une véritable furie, une harpie, un virago, qui sème la terreur autour d'elle. D'une bourrade, elle vous flanque par terre. Ecumant de rage, elle vous noie sous un flot d'invectives furibondes. Ses emportements sont redoutables, ses colères sauvages. Quant à Katia, la petite dernière, elle n'a rien trouvé de mieux, il y a quelques semaines, alors qu'on se remettait à peine de la visite tumultueuse de sa sœur, de jouer les enquiquineuses. Décidément, une mauvaise engeance, les Hurricane! Et l'on peut faire confiance aux benjamines, elles ne démériteront pas. Il est à craindre que l'on n'ait à
s'accommoder des sautes d'humeur d'Ophélia
tolérer les lubies de Mélissa
subir les extravagances de Félicia
endurer les frasques de Wanda
supporter les excentricités de Norma
souffrir les coups de folie de Yolanda
Photo: YLD

samedi 17 septembre 2011

Animalerie


Je n'étais jamais allée chez Magali. Personne n'allait jamais chez Magali. Pour qu'elle me demande de passer après le travail, elle devait être vraiment mal en point. Ne sachant trop ce qu'elle attendait de ma visite, j'avais fait quelques courses, acheté un bouquet de fleurs. En congé maladie depuis dix jours, elle avait probablement un bon coup de blues. En temps ordinaire, elle n'était pas du genre à se confier. Dire qu'on ne savait pas grand-chose d'elle est un euphémisme. Au bureau, cela alimentait même les plaisanteries sur la double vie de Magali.
Quand Magali m'introduisit dans son salon, une pièce minuscule, il me fallut tout mon tact et ma bonne éducation pour ne rien laisser paraître. J'hésitais entre angoisse et fou rire. L'arche de Noé.
–J'ignorais que tu aimais tant les animaux.
–Ça s'est fait comme ça Je n'ai jamais eu beaucoup de chance avec les hommes. Pourtant, tu vois, je reste fidèle. Tiens Jojo -un basset aux yeux chassieux-, le plus vieux de la tribu, on vit ensemble depuis quinze ans. Mon premier fiancé était chauffeur de taxi. On devait se marier, mais la veille de la cérémonie, il est revenu sur sa promesse, prétendant qu'il n'était pas prêt, qu'il avait besoin de réfléchir, d'ouvrir une parenthèse. Il ne l'a toujours pas refermée. Quand j'ai compris qu'il avait détalé, je n'ai plus eu le goût à rien. Et puis j'ai croisé Jojo, abandonné par ses maîtres en plein hiver. Michou –un canari à la voix cassée–, je l'ai connu juste après. Comptable dans une grosse entreprise, un homme sérieux, avec un bel avenir. Dommage qu'il n'ait jamais pu quitter sa mère. Je suis tombée amoureuse de Riton –un perroquet arrogant–, représentant en parfumerie, élégant, qui savait parler aux femmes. Seulement voilà, il avait une collection de maîtresses et n'entendait pas les sacrifier à une seule. Heureusement, j'ai rencontré Fifi –un fier abyssin– venu tenter sa chance en France; il n'a pas résisté au mal du pays. C'est alors que j'ai fait la connaissance de Loulou –le teckel-plombier–, que sa femme a rapidement ramené à la niche. Je me suis consolée avec Denis –le chinchilla-facteur–, qui rêvait d'aventure; il est parti, sans moi, à la conquête des grands espaces américains. Je n'ai pas su davantage retenir Roland –le hamster-pompier–, et Lulu –le boa-routier. Il ne manque que Diego, un bel étudiant mexicain venu apprendre le français à Paris…
–Diego?
–Un superbe iguane vert. Quand il a atteint presque 2m, je n'ai pas pu le garder. Ça m'a brisé le cœur de le donner à un zoo.
J'ai refusé le thé que me proposait Magali, ai bredouillé «bon rétablissement» et j'ai pris la poudre d'escampette. Sortir de ce cauchemar, retrouver Charles, mon homme à moi.
-Salut ma biche, murmura Charles en m'embrassant.
Photo: YLD

dimanche 4 septembre 2011

L'âge d'or


On dit qu'en des temps lointains, que nos grands-parents ont à peine connus, les gens avaient coutume de «manifester». Je m'explique. Hommes et femmes, de tous âges, défilaient dans les rues pour contester une réforme qu'ils jugeaient inique, se regroupaient devant telle ou telle institution pour s'opposer à une mesure qu'ils considéraient comme discriminatoire, organisaient des sit-in pour défendre leurs droits, appelaient à des flashmob pour soutenir les plus défavorisés. Ils se mobilisaient au nom de la liberté ou de la justice, pour une meilleure répartition des richesses, contre les inégalités. Des milliers de personnes faisaient entendre leur voix, s'exprimaient, réclamaient, protestaient, parfois même se révoltaient, résistaient. On trouve encore sur Internet de vieilles vidéos attestant ces mouvements populaires.
Nous avons bien du mal aujourd'hui à comprendre de tels comportements et nous nous interrogeons sur la signification de ces revendications. Nous savons qu'à l'époque où ces événements avaient lieu les outils et les techniques interactionnels étaient encore à leurs balbutiements. Sans doute ce défaut de communication devait-il générer des frustrations, engendrer des mécontentements. Il est également probable que les circuits de diffusion et de production ne permettaient pas à tous de bénéficier des progrès sociaux. En cela, les avancées ont été spectaculaires. De nos jours, qui n'a accès aux fondamentaux du bien-être social? Mieux, chacun peut obtenir la satisfaction entière et permanente de ses désirs tant l'offre est variée. Un simple coup d'œil à notre téléphone digital, notre tablette numérique, notre téléprompteur de poche nous informe en temps réel.
Nespresso Kazaar, la force
Vax'in for youth
Coca Cola light,le plaisir en toute liberté
Marmara, le droit au voyage
MMA, le bonheur assuré
Lavazza, express yourself
Mouton Cadet, au-delà des différences
Auchan, la vie, la vraie
Tsarine, signe extérieur de richesse intérieure
Simply Market, tous Simply citoyens
Nous sommes entrés dans une ère providentielle où la libre économie globale procure à tout un chacun –grâce à un judicieux système de crédit à perpétuité– un épanouissement total.
What else?
Photo: YLD