Une belle journée en perspective. Une de ces matinées douces et lumineuses qui font congédier manteaux et pulls pour se glisser avec délice dans la mousseline d'une robe d'été, qui inclinent à la flânerie, invitent à prendre un café en terrasse. Quelques degrés supplémentaires, un rayon de soleil, et on en oublierait presque l'air renfrogné du voisin du quatrième, les perpétuelles lamentations de son vis-à-vis de bureau, la grisaille du quotidien. Tout est possible, on le croit. Des rencontres, un nouvel amour peut-être. Paris nous appartient.
Géraldine luttait depuis des mois contre le mal qui l'affaiblissait chaque jour un peu plus. Au renoncement de son corps décharné, rompu de fatigue, à la couleur terreuse de son visage, au vide de son regard, elle savait qu'elle perdait la partie. Elle aurait été bien en peine d'expliquer ce qu'elle attendait pour lâcher prise. Elle s'était persuadée qu'il devait y avoir un signe, quelque chose qui l'autoriserait à se rendre. Elle refusait que la maladie lui vole cette ultime manifestation de sa liberté. Elle ne pouvait en choisir l'issue, elle voulait décider du moment. Elle n'espérait rien de la religion, récusait le verdict de la médecine. Elle s'entêtait, malgré la douleur et l'épuisement. Un signe. Juste un signe. Alors, lui revient en mémoire l'histoire que lui racontait sa mère lorsqu'elle était enfant. Dans l'esprit maternel, La Chèvre de M. Seguin sonnait comme un avertissement: qui n'en fait qu'à sa tête court à sa perte. Aujourd'hui, elle voyait dans l'obsession de Blanchette un encouragement à ne pas céder, même si, surtout s'il n'y avait plus rien à gagner… Un signe du destin, pour donner le change, sortir la tête haute.
L'infirmière entra pour dispenser les premiers soins à Géraldine, elle tira les rideaux et claironna: Regardez, comme il fait beau; le printemps est pile au rendez-vous!
Géraldine ferma les yeux et se livra en pâture à la bête.
Photo YLD
Géraldine luttait depuis des mois contre le mal qui l'affaiblissait chaque jour un peu plus. Au renoncement de son corps décharné, rompu de fatigue, à la couleur terreuse de son visage, au vide de son regard, elle savait qu'elle perdait la partie. Elle aurait été bien en peine d'expliquer ce qu'elle attendait pour lâcher prise. Elle s'était persuadée qu'il devait y avoir un signe, quelque chose qui l'autoriserait à se rendre. Elle refusait que la maladie lui vole cette ultime manifestation de sa liberté. Elle ne pouvait en choisir l'issue, elle voulait décider du moment. Elle n'espérait rien de la religion, récusait le verdict de la médecine. Elle s'entêtait, malgré la douleur et l'épuisement. Un signe. Juste un signe. Alors, lui revient en mémoire l'histoire que lui racontait sa mère lorsqu'elle était enfant. Dans l'esprit maternel, La Chèvre de M. Seguin sonnait comme un avertissement: qui n'en fait qu'à sa tête court à sa perte. Aujourd'hui, elle voyait dans l'obsession de Blanchette un encouragement à ne pas céder, même si, surtout s'il n'y avait plus rien à gagner… Un signe du destin, pour donner le change, sortir la tête haute.
L'infirmière entra pour dispenser les premiers soins à Géraldine, elle tira les rideaux et claironna: Regardez, comme il fait beau; le printemps est pile au rendez-vous!
Géraldine ferma les yeux et se livra en pâture à la bête.
Photo YLD