Il va venir. Il l'a promis, je crois. Peut-être pas, mais il va venir. L'homme était assis à la terrasse du café. Je me suis installée à la table d'à côté et je l'ai observé un long moment, ostensiblement, jusqu'à ce qu'il pose son regard sur moi. Un regard bienveillant. Bienveillant, qui veut du bien à autrui. D'ordinaire, j'évite les amitiés. Quant à ce que l'on nomme stupidement l'amour… Que peuvent partager deux inconnus? Ce ne serait pourtant possible que dans les premiers instants. Après, tout s'embrouille, les jugements, les malentendus, les faux-semblants. De toute façon, je ne me soumets pas à ce sentimentalisme saugrenu, à ces piètres petits émois étriqués. Il faut une rencontre pure, authentique, une entente indéfectible avec un être clément et absolu. L'homme (je suis heureuse d'ignorer encore son prénom) a eu l'air étonné, puis s'est montré attentif. Il va venir. Nous boirons du tavel en écoutant les Nocturnes de Satie. Nous nous comprenons. Nous serons présents l'un à l'autre pleinement, totalement. Neuf heures, ce n'est pas si tard. Moi aussi j'aime la nuit, tout est plus fragile et plus intense. Un sursis à la vie. J'attends sans inquiétude. L'homme va venir.
Je ne sais pas comment on appelle ça, de la chance, un don du ciel? J'étais au café depuis deux ou trois heures. Il ne s'y passait pas grand-chose, du quotidien, du banal. J'allais m'en aller quand elle m'a accosté: «Sans nous connaître, nous nous reconnaissons». Intrigué, je l'avoue, je l'ai invitée à s'asseoir et, juste pour voir ce que ça donnerait, j'ai déclenché discrètement l'enregistreur vocal de mon iPhone. Elle était à la fois réservée et déterminée. J'avais l'impression qu'elle ne cherchait pas vraiment à engager la conversation, mais plutôt à affermir une connivence, une complicité établies de longue date, et lorsqu'elle s'en fut assurée, elle a écrit son adresse sur la note et est partie brusquement comme si elle s'enfuyait. Je me suis précipité au studio. J'avais l'idée, le truc qui manquait. L'enregistrement de l'inconnue viendra en off. Sa voix claire, qui semblait flotter sur le bruit de la rue, exprimera en contrepoint la passion gainée d'un idéal inflexible d'Annabelle Blanchard, le personnage principal de mon film.
Au montage, c'était raccord!
Onze heures, ce n'est pas trop tard. Je l'attends sans impatience, l'homme va venir.
Photo YLD Je ne sais pas comment on appelle ça, de la chance, un don du ciel? J'étais au café depuis deux ou trois heures. Il ne s'y passait pas grand-chose, du quotidien, du banal. J'allais m'en aller quand elle m'a accosté: «Sans nous connaître, nous nous reconnaissons». Intrigué, je l'avoue, je l'ai invitée à s'asseoir et, juste pour voir ce que ça donnerait, j'ai déclenché discrètement l'enregistreur vocal de mon iPhone. Elle était à la fois réservée et déterminée. J'avais l'impression qu'elle ne cherchait pas vraiment à engager la conversation, mais plutôt à affermir une connivence, une complicité établies de longue date, et lorsqu'elle s'en fut assurée, elle a écrit son adresse sur la note et est partie brusquement comme si elle s'enfuyait. Je me suis précipité au studio. J'avais l'idée, le truc qui manquait. L'enregistrement de l'inconnue viendra en off. Sa voix claire, qui semblait flotter sur le bruit de la rue, exprimera en contrepoint la passion gainée d'un idéal inflexible d'Annabelle Blanchard, le personnage principal de mon film.
Au montage, c'était raccord!
Onze heures, ce n'est pas trop tard. Je l'attends sans impatience, l'homme va venir.