Elle est jolie Audrey.
Des yeux noisette si lumineux quand elle rit, virant au bronze dès
qu'elle est chagrinée ou fâchée. Romanesque, sans fausse pudeur.
Ce soir, vous prenez plaisir à la regarder, probablement parce
qu'elle s'éloigne de vous, ayant renoncé à vivre avec une ombre.
Pas tout à fait. Vos sentez qu'elle n'a pas encore abdiqué. Elle
fait mine de vous délaisser pour mieux vous adjurer de la retenir.
En vain. Absent, fantomatique, en pointillés, vous a-t-elle
reproché. Juste en disponibilité, avez-vous rétorqué. La vie vous
effleure. Vous accueillez ce qui advient et ignorez le reste. Vous
dédaignez ce qui ne s’offre pas à vous. Vous vous arrogez le
droit à l'indifférence, vous octroyez la jouissance de l'indolence,
le bonheur de la paresse sentimentale, de l'inertie affective. Ne
rien faire, ne rien vouloir. Recevoir, savourer. Et oublier.
Oui, elle est jolie
Audrey, pétulante et malicieuse. Vous n'en êtes plus ému. Vous le
constatez, négligemment.Vous l'aviez fantasmée Hepburn. Vous vous
êtes attardé, vous hasardant quelque temps dans son quotidien. Il
n’y avait tout simplement, trop banalement, qu’Audrey. Rompre,
vous pourriez en prendre l’initiative si vous ne craigniez de vous
ennuyer ferme. Expliquer, argumenter, justifier, ça complique les
choses inutilement. C’est fini, voilà tout. Vous attendez,
impassible, qu’Audrey ait usé ses dernières illusions. Elle
abandonnera, de guerre lasse. L’expression vous plaît assez…
Et vous songez déjà à
Scarlett.
Photo: YLD