Ligne 9, 9 heures. Un homme monte dans la rame et s'assied à côté de moi.
- Tu ne peux pas m'en demander plus. C'est déjà moi qui fais tout. Tu me fais sans cesse des reproches, mais je l'ai envoyé ta lettre. Je dois même avoir les papiers, il faudrait que je les retrouve. J'en ai assez de tes reproches…
Pourquoi doit-il confier sa vie privée à son téléphone-kit mains libres, sans se préoccuper de son entourage, m'entraîner contre mon gré dans son intimité? Je sens son regard insistant sur moi. L'homme poursuit ses doléances, des larmes dans la voix.
- Je fais déjà tout, qu'est-ce que tu veux de plus?
Je lui souris, gênée, presque peinée.
- Je suis trop gentil, alors tu en profites! C'est ça que je vais dire. Ça ne peut pas durer, tu es allé(e) trop loin. Oui, c'est ça que je vais dire…
A République, je me lève pour prendre ma correspondance. L'homme me salue d'un signe de la main.
-Merci, ma jolie, de m'avoir écouté.
Ecouté, pas exactement. Entendu, plutôt, d'une oreille compatissante. Parfois, c'est peut-être assez.
19h30, ligne 11
- Elle est pas normale. Je l'ai bien vu quand je lui ai donné. Elle est pas normale. Elle veut avoir l'air, mais elle est pas normale.
Une femme mal fagotée accompagnée d'un gros cabas au contenu incertain s'adresse avec véhémence à son voisin.
- Pas normale du tout, on répond pas comme ça.
Je ne les voyais pas ensemble ces deux-là. Elle, la cinquantaine fatiguée. Lui, trentenaire élégant.
La femme reprend son réquisitoire, gesticule, hausse le ton, furieuse.
- Elle est pas bien. Faut lui dire, elle est pas normale, martèle-t-elle, hors d'elle.
- Non, elle n'est pas normale, confirme posément son voisin.
La femme s'interrompt, détendue soudain. A Place-des-Fêtes, elle descend, seule, grimaçant un sourire à ce «compagnon» de voyage qui, d'une simple parole, a su rompre le cercle infernal de son idée fixe.
«Je tiens ce monde pour ce qu'il est: un théâtre où chacun doit jouer son rôle», disait le grand Will.
Le monde, je ne sais pas, mais le métro…
Photo: YLD
- Tu ne peux pas m'en demander plus. C'est déjà moi qui fais tout. Tu me fais sans cesse des reproches, mais je l'ai envoyé ta lettre. Je dois même avoir les papiers, il faudrait que je les retrouve. J'en ai assez de tes reproches…
Pourquoi doit-il confier sa vie privée à son téléphone-kit mains libres, sans se préoccuper de son entourage, m'entraîner contre mon gré dans son intimité? Je sens son regard insistant sur moi. L'homme poursuit ses doléances, des larmes dans la voix.
- Je fais déjà tout, qu'est-ce que tu veux de plus?
Je lui souris, gênée, presque peinée.
- Je suis trop gentil, alors tu en profites! C'est ça que je vais dire. Ça ne peut pas durer, tu es allé(e) trop loin. Oui, c'est ça que je vais dire…
A République, je me lève pour prendre ma correspondance. L'homme me salue d'un signe de la main.
-Merci, ma jolie, de m'avoir écouté.
Ecouté, pas exactement. Entendu, plutôt, d'une oreille compatissante. Parfois, c'est peut-être assez.
19h30, ligne 11
- Elle est pas normale. Je l'ai bien vu quand je lui ai donné. Elle est pas normale. Elle veut avoir l'air, mais elle est pas normale.
Une femme mal fagotée accompagnée d'un gros cabas au contenu incertain s'adresse avec véhémence à son voisin.
- Pas normale du tout, on répond pas comme ça.
Je ne les voyais pas ensemble ces deux-là. Elle, la cinquantaine fatiguée. Lui, trentenaire élégant.
La femme reprend son réquisitoire, gesticule, hausse le ton, furieuse.
- Elle est pas bien. Faut lui dire, elle est pas normale, martèle-t-elle, hors d'elle.
- Non, elle n'est pas normale, confirme posément son voisin.
La femme s'interrompt, détendue soudain. A Place-des-Fêtes, elle descend, seule, grimaçant un sourire à ce «compagnon» de voyage qui, d'une simple parole, a su rompre le cercle infernal de son idée fixe.
«Je tiens ce monde pour ce qu'il est: un théâtre où chacun doit jouer son rôle», disait le grand Will.
Le monde, je ne sais pas, mais le métro…
Photo: YLD