mardi 2 juin 2009

In vino veritas


Fruits confits, moderato; moka, sotto voce; cuir, sostenuto. Une symphonie ample, complexe, alliant douceur et puissance…
Son père avait tenu à l'initier, et il s'était plié à sa volonté sans grand enthousiasme. Il n'en avait retiré aucun plaisir, aucune satisfaction intellectuelle, pas même une petite excitation à l'idée qu'il était admis –à l'essai, il est vrai– dans le saint des saints. Malgré les belles promesses du maître et de ses acolytes, il s'ennuyait ferme pendant ce qu'il appelait, avec une nuance de condescendance, leurs «messes noires». Il était surtout déçu, poursuivi par la désagréable impression d'être passé à côté, d'être resté à la marge. Et si derrière le cérémonial, les formules cabalistiques, il y avait…

Alors, il se conforma au rite. Seul, il se libérait des entraves qui l'arrimaient à ses habitudes; ses sens s'éveillaient. Déjà, il se serait damné pour un joli nez, un corps soyeux lui aurait fait vendre son âme au diable. Parfois, il croyait atteindre les sommets vertigineux de la connaissance et, l'instant d'après, était précipité dans un gouffre de confusion. Découragé, il renonçait. Il n'était pas de ces don Quichotte qui se lancent dans des combats perdus d'avance; il n'en reprenait pas moins sa quête avec l'obstination de l'hidalgo. Pour parvenir à ses fins, il avait fait allégeance à la Comtesse de Lalande, hanté le Pavillon rouge de château Margaux, succombé aux charmes des Amoureuses. Il avait levé un coin du voile, mais n'avait rien découvert de ce qu'il cherchait.

Dès lors, il fut l'un des disciples les plus assidus de la liturgie paternelle. Il en savait maintenant tous les préceptes et était reconnu par ses pairs comme l'un des meilleurs. Pourtant, l'essentiel lui échappait toujours. Par quelle mystérieuse alchimie s'opérait la transmutation? Lui, l'athée, le sceptique en venait à évoquer la main de Dieu.

Le silence devenait pesant. On attendait son verdict.

–Mouton-rothschild 1982.
Photo YLD


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