Anthony Meillard, né à Amiens, se sent à l'étroit dans son costume de fils d'ouvriers. Son père, Jean-Claude Meillard, est maçon; sa mère, Laurence Meillard, née Lietois, femme de ménage. Anthony Meillard est doté d'une intelligence moyenne, que compensent un sens aigu de la débrouillardise –un roublard, disent certains– et une ambition sans bornes. A dix-sept ans, il claque la porte du domicile familial, vit d'expédients: voleur à la tire, dealer, il se fait même un temps entretenir par une pauvre fille qui croyait que le trottoir la conduirait à la mairie. Ses errances le mènent à Véseneuves, un bourg d'Indre-et-Loire où se morfond Amaury Velin-Archambault, rejeton de la vieille noblesse. Amaury Velin-Archambault a raté son époque. Il se sent l'âme d'un preux chevalier. Au douzième siècle, il aurait guerroyé avec bravoure pour son souverain, porté vaillamment les couleurs de sa dame. Révoquant l'ère du quart d'heure de célébrité et du tweet, dans le champ clos de sa bibliothèque, il défie Gauvain en duel, joute contre Lancelot, rompt des lances pour Elaine la Blanche et se met en quête du Graal –non, pas une chasse au trésor Anthony, a patiemment mais vainement expliqué Amaury Velin-Archambault, une recherche, une initiation. Anthony Meillard se prête avec détachement aux extravagances d'Amaury Velin-Archambault, puisque cette modeste contribution lui vaut de dormir au chaud, de manger et de boire tout son soûl. Mieux, depuis quelques semaines, empruntant le patronyme de son hôte, il fréquente le gratin people parisien, il a ses entrées au Black Calvados, au Baron et au VIP Room. D'un aplomb à toute épreuve tamisé de juste ce qu'il faut de séduction, il compte déjà parmi les happy few. Tandis qu'Anthony (Velin-Archambault) Meillard accède au firmament, Amaury s'abîme dans ses fantaisies médiévales. Au cours d'une cérémonie d'adoubement –il a adopté officiellement Anthony et l'a institué légataire universel–, la félonie de deux bouteilles de Malt Mill 1962 lui porte le coup de grâce, que le médecin de Véseneuves, peu magnanime, qualifiera de coma éthylique.
Dans le TGV qui le conduit à Paris, où l'attend le bel appartement du seizième arrondissement que lui a laissé feu Amaury, Anthony Velin-Archambault songe… Bien souvent, la vie attribue ses bienfaits à tort et à travers, mais, finalement, il n'est pas très compliqué d'y mettre bon ordre.
Photo: YLDDans le TGV qui le conduit à Paris, où l'attend le bel appartement du seizième arrondissement que lui a laissé feu Amaury, Anthony Velin-Archambault songe… Bien souvent, la vie attribue ses bienfaits à tort et à travers, mais, finalement, il n'est pas très compliqué d'y mettre bon ordre.
5 commentaires:
bien enlevé, plaisir de te relire
@Philippe: et plaisir de te retrouver ici
Un père maçon et une mère femme de ménage ... c'est comme ça que sur le champ de bataille, on retrouve parfois des chevaliers en bleu de travail, montés sur un diable, un plumeau à la main.
je vous salue Marie !
@Fernand: et ils ont du panache!
@Cactus: comme dirait Godard
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