Chaleureux. C'est le qualificatif qui vient immédiatement à l'esprit lorsqu'on pénètre dans cette pièce. Le salon, puisque, de toute évidence, telle est sa fonction, est un quadrilatère dont trois côtés sont peints de couleur crème. Le sol parqueté est couvert d'un épais tapis aux motifs géométriques beige et ocre. Le long du mur de droite, par rapport à l'entrée, se dresse une bibliothèque en chêne brun patiné. Le bas du meuble se compose de trois tiroirs. Le haut est fermé par des portes en verre cathédrale. Le deuxième côté du quadrilatère est occupé par une large cheminée en pierre où crépite un feu. Sur le linteau sont disposés, de gauche à droite, une sphère armillaire, un cadre en métal doré renfermant la photo de deux enfants jouant sur une plage, probablement de Normandie, un solitaire en marbre et un vase Art nouveau. La baie vitrée, qui fait face à la porte, est masquée par des doubles rideaux en lin vert bouteille parsemés de grosses pivoines jaunes; ils ont été tirés de bonne heure, vraisemblablement pour échapper à morosité de ce dimanche gris et humide. Contre la paroi de gauche est appuyé un canapé en velours écru, surmonté d'un tableau, une nature morte de Juan Gris. Un lampadaire, entre la cheminée et la bibliothèque, et une lampe, sur le guéridon qui jouxte le canapé, éclairent le salon. Les deux luminaires sont coiffés d'un abat-jour festonné en lin blanc. Une chaîne hi-fi diffuse un morceau classique. Une oreille exercée reconnaîtrait la Sinfonia n°11 en sol mineur de Bach. Devant le divan se tient une table basse où sont posées une théière, une tasse, maintenant vide, et une assiette en porcelaine dans laquelle trois sablés ont été abandonnés. Une femme d'une cinquantaine d'années est assise sur ce siège –en fait, ni canapé ni divan, pas plus que sofa, mais bien une méridienne. Vêtue d'une robe en jacquard lilas, ses cheveux bruns remontés en chignon, elle lit. Un chaton s'amuse à envoyer une pelote de laine sous les rideaux, s'élance à la conquête du trophée et le dépose aux pieds de sa maîtresse. Celle-ci ignorant son offrande, il renouvelle son manège. Angela Soltieri vit dans cet appartement depuis trente ans. Elle y a emménagé le lendemain de son mariage avec Pierre Fontevrault. Elle y a élevé ses deux enfants. Victor, 25 ans, jeune avocat parti faire carrière à New York, et Agathe, 20 ans, entrée en juin à l'Opéra national de Bordeaux en qualité de premier violon. Angela et Pierre se sont séparés d'un commun accord il y a un mois. Elle a gardé l'appartement. Elle y vit dans l'immuabilité de l'instant. Une vie à la Vermeer.
Zhang Xiaogang, photo YLD
Ecouter le mouvement éternel des étoiles
Il y a 3 jours
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire