samedi 10 janvier 2009

Un froid de gueux




Chaque soir, il venait se terrer au pied du mur, au fond d’une ruelle, tout près de République. Avec le temps, il avait récupéré quelques vieux cartons et s’était confectionné une sorte de banquette, sur laquelle, quand le sommeil l’envahissait, il s’allongeait. Pelotonné, recroquevillé pour se protéger du froid ou de la pluie. Des gamins du quartier avaient tagué un drôle de truc sur le mur. «C’est ta mitraillette, Momo, pour s’ils veulent te faire déguerpir», plaisantaient-ils lors de leurs visites régulières. On l’aimait bien Momo, tranquille, pas très causant, sauf quand il piquait un coup de gueule: «Rgard'ça, veulent même pas nous voir.»
Alors, lorsqu’on s’aperçut qu’un soir, et un deuxième, pendant toute une semaine, puis une autre encore, la place de Momo restait vide, on s’inquiéta. Est-ce qu’il gisait quelque part alentour, blessé ou malade? La police l’avait-elle «mis au chaud»? Avait-il trouvé un meilleur refuge? Peut-être pour conjurer le mauvais sort, les gamins couvrirent les murs de la ruelle de nouveaux graffitis: deux chats, le portrait d'une inconnue, Bugs Bunny, auxquels vinrent s'ajouter un poing brandi, l'oncle Sam, trois coquelicots et, sans doute en désespoir de cause, un énorme Fuck the fuckers. Comme on se rend chez un vieux copain, les «sans» du quartier débarquaient «Chez Momo», histoire de causer un peu. Petit à petit, ils vinrent moins souvent, puis plus du tout.
Lundi 5 janvier, 22h30.
– Merde, alors!
–J'savais pas qu'y avait quelqu'un.
Bordée d'injures.

–J'savais pas qu'c'était ton coin. J'pouvais pas savoir.
Rugissements.
L'intrus fait mine d'abandonner la place.
–J'tai pas dit d'te tirer. Mais fais gaffe où tu t'poses, putain.
Le propriétaire des lieux remet de l'ordre dans ses cartons, s'enroule dans une vieille couverture, une bouteille à portée de la main. Son «coloc» s'installe sans moufter.
Il fait très froid.
photo YLD

1 commentaire:

@marisesargis a dit…

encore du coton dans la tête... la tempête hivernale jusque dans les bronches, brrrhhh, mais, comment font les momos pour tenir ?