Maggy avait insisté pour que Charlie passe à la banque déposer le chèque que tante Clara leur avait envoyé pour leur vingtième anniversaire de mariage. D'habitude, c'est elle qui se charge de ce genre de chose. Lui s'en débrouille mal, perd vite patience. D'un naturel bourru, il se renfrogne encore dès qu'il franchit le seuil de l'imposant bâtiment de la Barclays, qui semble lui reprocher sa vie de labeur et les fins de mois difficiles. Jusqu'à la lourde porte à tambour qui joue les cerbères.
Bougonnant contre Maggy, il pousse mollement le battant. Arrivé à mi-course, le tambour grippe, résiste, cède quelques centimètres, s'immobilise. «Coincé, fait comme un rat!», fulmine Charlie. Il frappe à la paroi de verre, gesticule pour attirer l'attention de l'agent de sécurité posté dans le hall. «Hé! vieille baderne, tu vas me tirer de ce pétrin», maugrée-t-il. L'homme en uniforme a l'oreille collée à son talkie-walkie. On est manifestement en train de l'avertir que quelque chose cloche. Il fait un signe aux «prisonniers», geste d'apaisement et de réconfort, dont Charlie, suspicieux, a vite fait de détourner le sens: «Mais comment va-t-on vous sortir de là?»
Brune, élégante, follement séduisante, elle attend, amusée, dans le compartiment en vis-à-vis, promenant négligemment son regard sur Charlie. Charlie, pris dans les rets soyeux de ses cils, submergé par la vague scélérate de son sourire, entraîné vers les grands fonds du désir. Charlie, qui, la poitrine oppressée, les oreilles bourdonnantes, les yeux voilés, plonge en apnée vers des abysses de passion. La foudre lui torpille le ventre; une lame de fond le précipite sur la grève.
Groggy, au beau milieu du trottoir. Il cherche quelques secondes sa respiration, puis, jetant un coup d'œil à sa montre, s'éloigne à grandes enjambées. Avec un peu de chance, il aura le train de 17h33.
Photo Lee Friedlander, New York City.
Bougonnant contre Maggy, il pousse mollement le battant. Arrivé à mi-course, le tambour grippe, résiste, cède quelques centimètres, s'immobilise. «Coincé, fait comme un rat!», fulmine Charlie. Il frappe à la paroi de verre, gesticule pour attirer l'attention de l'agent de sécurité posté dans le hall. «Hé! vieille baderne, tu vas me tirer de ce pétrin», maugrée-t-il. L'homme en uniforme a l'oreille collée à son talkie-walkie. On est manifestement en train de l'avertir que quelque chose cloche. Il fait un signe aux «prisonniers», geste d'apaisement et de réconfort, dont Charlie, suspicieux, a vite fait de détourner le sens: «Mais comment va-t-on vous sortir de là?»
Brune, élégante, follement séduisante, elle attend, amusée, dans le compartiment en vis-à-vis, promenant négligemment son regard sur Charlie. Charlie, pris dans les rets soyeux de ses cils, submergé par la vague scélérate de son sourire, entraîné vers les grands fonds du désir. Charlie, qui, la poitrine oppressée, les oreilles bourdonnantes, les yeux voilés, plonge en apnée vers des abysses de passion. La foudre lui torpille le ventre; une lame de fond le précipite sur la grève.
Groggy, au beau milieu du trottoir. Il cherche quelques secondes sa respiration, puis, jetant un coup d'œil à sa montre, s'éloigne à grandes enjambées. Avec un peu de chance, il aura le train de 17h33.
Photo Lee Friedlander, New York City.
8 commentaires:
C'est tellement rare, sur la toile, d'utiliser Lee Friedlander!:O)
Et pourtant ses photos de New York racontent tant d'histoires! Merci de votre visite.
Vous avez une très bonne maîtrise de l'écriture, et de l'inspiration. Je serais curieuse de voir ce dont vous seriez capable sur un texte plus long. Avez vous essayé? Je suis sûre que le résultat serait intéressant.
Merci Marie. J'ai essayé, oui et non. Sans vraiment y croire. J'ai du mal à me situer dans cette perspective du long, la crainte, sans doute, de ne pas tenir la route…
Cette nouvelle est fort bien troussée ma foi. Bravo. Je suis d'accord avec Marie, ton écriture mériterait plus de signes... encore ! Marise
Je vais y réfléchir, c'est promis!
je plussoie à cette suggestion de Marie et maryse..
votre écriture est belle et habile!
j'adore les photos de Lee Friedlander, pour ça aussi, merci Yola *_*
Oui Cécile, il y a des regards qui nous font un peu mieux aimer le monde qui nous entoure, celui de Fiedlander, de Willy Ronis. Merci d'être passée me lire.
Enregistrer un commentaire