lundi 27 février 2012

Epistolairement vôtre


Hum, un master de lettres modernes, grommela le conseiller de Pole Emploi, ça ne va pas être facile! Beaucoup d'insistance de ma part, un peu de bonne volonté de la sienne, et trois quarts d'heure plus tard, je le quittais victorieux, une petite annonce en poche: la plate-forme du leader français du jouet recrutait «jeune homme/femme ayant de bonnes capacités rédactionnelles» pour un CDD de deux mois. Pas le gros lot, mais faute de merles… et par les temps qui courent…, avait allégué, elliptique, le monsieur de Pole Emploi. Alors…
Ma mission: répondre aux mails adressés au Père Noël. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir leur débiter à tous ces sales gamins? Que le Père Noël est un filon commercial, une arnaque des parents? Le service relations clientèle avait mis à ma disposition quelques modèles dont je devais m'inspirer. Je m'en servais pour répondre aux courriels les plus convenus –la grande majorité–, souvent soufflés par les parents ou les grands-parents. Parmi les centaines de missives électroniques qui s'affichaient sur l'écran de mon ordinateur, je mettais de côté les plus touchantes, les plus drôles, les plus originales, et je leur confiais à ces gosses mon émerveillement en découvrant au pied du sapin la Batmobile dont j'avais tant rêvé, ma colère lorsque je reçus un costume de Spiderman au lieu de celui de Superman. A un petit garçon de sept ans qui, rageur et incrédule, me reprochait de ne pas exister –mais m'écrivait quand même–, je racontais mes aventures avec Michelangelo, Leonardo, Donatello et Raphael, les meilleurs amis que j'aie jamais eus.
J'abandonnais le panoplie de Père Noël après les fêtes de fin d'année. En mars, j'étais agent de tri à Montereau. L'aubaine! Au hasard, je sélectionnais chaque jour quelques correspondants.

A Nicole, qui vient de recevoir sa lettre de licenciement et réclame que son employeur lui en notifie les raisons
Te dire une dernière fois combien je t'ai aimée. Quelles étaient douces ces nuits où je vagabondais de tes collines vers tes vallées, abordais à tes rivages frangés d'écume, me nichais dans ton jardin de volupté, m'enivrais de tes suaves senteurs, me grisais de tes étreintes. Tu as été mon pays de cocagne. Ne m'en veux pas, ma luxuriante, l'amour est inconstant.

A Gérard, sans emploi, en reconversion, qui cherche une formation de soudeur en alternance
Je t'attends depuis si longtemps, toi mon seul, mon unique, mon incendiaire. Viens, rejoins-moi. Sois vif, incandescent. J'amorcerai ton arc, je ferai jaillir la flamme de ton dard, je serai le tendre brasage qui épanouira tes ardeurs en gerbes de feu.
Photo: YLD

4 commentaires:

Fernand Chocapic a dit…

Malgré une légère confusion sur le nom des rois mages qui ne s'appelaient pas Michelangelo, Leonardo, Donatello et Raphael, j'aime beaucoup les réponses qui ont été faites à Nicole et Gérard. J'aimerais moi aussi qu'une diplômée en lettres modernes m'écrive régulièrement. Pour 30€ par mois, je suis prêt à m'abonner à ce service.

Yola Le Douarin a dit…

@Fernand: nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à notre service. Nous vous ferons parvenir, sous peu, un formulaire nous permettant de définir votre profil afin de répondre au mieux à vos attentes. :)

Cactus , ciné-chineur a dit…

Sissi !

Yola Le Douarin a dit…

@Cactus: allez, allez, on se calme. Tout le monde aura sa petite lettre.