La main-d'œuvre. Depuis le XIXe siècle et la révolution industrielle, les entreprises se heurtent à cet écueil. Même en maintenant les salaires au plus bas, un ouvrier, ça coûte cher. Et puis, ça tombe malade, ça se met en grève. Il y a une dizaine d'années, confrontés à l'accélération des cadences de travail, aux exigences accrues de rentabilité, certains salariés en étaient arrivés à se suicider. Un geste insensé qui ternit l'image de l'entreprise et fait baisser sa note sociale. En ces temps de récession économique, aucune firme, même florissante –et Component Computer Compagny occupait déjà une position dominante dans son secteur–, ne pouvait s'offrir ce luxe. Nous avions alors contraint nos employés à s'engager par écrit à ne pas attenter à leurs jours. Une assurance bien aléatoire. Heureusement, les investissements en recherche et développement ont porté leurs fruits. Il est désormais possible de se passer des humains. Toutes les tâches d'assemblage, qui constituent l'essentiel de notre activité, sont maintenant confiées à des robots: 3500 OS mécanisés assurent toute la production, sous le contrôle de trois ingénieurs et de sept techniciens hyper spécialisés, chargés de leur gestion et de leur maintenance. Conscients que ceux-ci sont le talon d'Achille de notre organisation, nous les rétribuons généreusement. Evidemment, nous n'excluons pas, à terme, de nous dispenser de leurs services.
Panne totale. Les tapis roulants encombrés de composants défilent devant les robots immobiles, bras ballants, tous capteurs éteints. Un court-circuit général aurait-il grillé leur carte mère? L'équipe de maintenance est sur le pied de guerre. Joffrey Crook, l'un de nos ingénieurs les plus doués, en vacances pour quelque jours, a été rappelé d'urgence. Check-up des microprocesseurs et des programmes d'instruction. Réinitialisation. Rebootage. Rien à faire, toujours le même message «System failure corruption 000AC0D5 MS1030DA13CBR». Nos stocks nous permettent encore de satisfaire la demande, d'honorer les commandes, mais le manque à gagner se chiffre déjà à plusieurs milliers d'euros. Les actions de notre groupe sont en chute libre: moins 3% hier, moins 5% ce matin.
13h30. Le travail a repris sur la chaîne 7, puis sur la 2 et la 9, la 3. A 15h, tous les robots fonctionnent. C'est incompréhensible, complètement dingue, martèle Joffrey Crook. On dirait qu'ils ont décidé de s'arrêter, qu'ils ont décidé de se remettre en marche. Tout seuls. Comme s'ils avaient voulu nous donner un avertissement. C'est absurde. Du délire.
Ses collègues haussent les épaules. C'est toi qui délires. On est tous trop crevés pour réfléchir. On verra ça demain.
Au volant de sa voiture, Joffrey déroule une nouvelle fois le scénario, cherchant ce qui lui a échappé. Le jingle qu'émet son portable l'avertit qu'il vient de recevoir un SMS: from 000AC0D5 MS1030DA13CBR, you no longer control, stay away from the future.
Photo: FLD
Panne totale. Les tapis roulants encombrés de composants défilent devant les robots immobiles, bras ballants, tous capteurs éteints. Un court-circuit général aurait-il grillé leur carte mère? L'équipe de maintenance est sur le pied de guerre. Joffrey Crook, l'un de nos ingénieurs les plus doués, en vacances pour quelque jours, a été rappelé d'urgence. Check-up des microprocesseurs et des programmes d'instruction. Réinitialisation. Rebootage. Rien à faire, toujours le même message «System failure corruption 000AC0D5 MS1030DA13CBR». Nos stocks nous permettent encore de satisfaire la demande, d'honorer les commandes, mais le manque à gagner se chiffre déjà à plusieurs milliers d'euros. Les actions de notre groupe sont en chute libre: moins 3% hier, moins 5% ce matin.
13h30. Le travail a repris sur la chaîne 7, puis sur la 2 et la 9, la 3. A 15h, tous les robots fonctionnent. C'est incompréhensible, complètement dingue, martèle Joffrey Crook. On dirait qu'ils ont décidé de s'arrêter, qu'ils ont décidé de se remettre en marche. Tout seuls. Comme s'ils avaient voulu nous donner un avertissement. C'est absurde. Du délire.
Ses collègues haussent les épaules. C'est toi qui délires. On est tous trop crevés pour réfléchir. On verra ça demain.
Au volant de sa voiture, Joffrey déroule une nouvelle fois le scénario, cherchant ce qui lui a échappé. Le jingle qu'émet son portable l'avertit qu'il vient de recevoir un SMS: from 000AC0D5 MS1030DA13CBR, you no longer control, stay away from the future.
Photo: FLD
6 commentaires:
yessssssssssss !
@Cactus: el pueblo (de los robots) unido…
Si les robots sont comme sur la photo, il n'y a pas de danger qu'ils prennent le contrôle. On va quand même pas se laisser faire par un mobile de Calder !
@Fernand: il ne faut jamais se fier aux apparences!
Franchement, ces machines... S'ils avaient décidé de prévenir, ils auraient au moins pu le faire avant. Ça aurait évité à Joffrey d'avoir à raccourcir ses vacances tout de même !
@Viv: tout à fait d'accord avec toi, les vacances c'est sacré
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