samedi 5 octobre 2013

Variations indéfinies

Pelotonnée dans la douce tiédeur de la chambre, Lise s'accommodait de ses déchaînements de fureur. Le vent se jetait, rageur, contre la villa, giflait la façade, l'étreignait si fort qu'il aurait pu la broyer. La maison gémissait, semblait céder à ses assauts passionnés, il fléchissait, s'apaisait; elle se ravisait, s'indignait de ses assiduités, il redoublait, s'acharnait, défiait son indifférence. Jean, lui aussi, avait lutté obstinément contre les langueurs romanesques de Lise, l'assaillant désespérément de son amour, de son désir exténuant de vivre. Ici, tout est possible, se défendait Lise. Le vent disperse les malentendus; la brume dissipe nos incertitudes; la mer efface le temps. Tout peut sans cesse recommencer. Rien à porter, à assumer, à justifier. Oublieux de nous-mêmes parce que toujours intacts, insoupçonnés. Nous n'aurons pas de souvenirs, se plaignait Jean. J'en inventerai pour nous, uniques, éphémères, inaltérables, promettait Lise. La silhouette bleutée des minarets sur l'horizon flamboyant. Les vagues nacrées s'épanchant sur la grève. Nos serments parfumés de jasmin et de laurier rose. Jean combattait ses chimères. Tu m'offres des mirages, je veux le sel des embruns sur mes lèvres et la saveur de tes aveux sur ma peau.
Jean s'était éloigné. Lise ne souffrait pas de son départ, elle avait conjuré son absence. Il demeurait là dans l'indistinction de l'existence où Lise s'était retirée.
Le présent m'échappe, la réalité me fuit, l'essentiel s'éparpille dans le fortuit.
Photo: Sun7, YLD


3 commentaires:

philippe a dit…

Un style différent, une belle écriture toujours, et puis on vit ce qu'on lit dans son fort ou faible intérieur et dans sa chair... Moi aussi je me nourris ici...

Yola Le Douarin a dit…

@Philippe: merci. Et c'est aussi en lisant qu'on se construit son «fort intérieur»

Yola Le Douarin a dit…
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