mercredi 7 octobre 2009

Le corps du texte


Ce n'est pas un coup de foudre, pas plus un mariage de raison. Une affaire de cœur, certainement. Tandis qu'il prend possession des lieux, elle l'observe en catimini. La silhouette épaisse, la tournure gauche, et mal fagoté avec ça. Il pourrait avoir du charme s'il s'était un peu apprêté, avait soigné sa tenue. Mais non. Pressé, impatient, il s'est précipité. Du charme, et de l'esprit aussi s'il avait poli son style, renoncé à cette fausse assurance. Pensez-vous, ce serait se mettre à découvert, admettre ses gros défauts et –plutôt mourir– ses petites faiblesses. Alors, il essaie de lui en imposer, hausse le ton, fait le beau. Elle ne lui en tient pas rigueur, y voit surtout l'aveu de sa maladresse, un peu d'inquiétude malgré tout. Elle le gratifie d'un regard bienveillant, le complimente: joli grain de voix, pourquoi forcer la note? Allez, il est possible de s'entendre. Laissez là cet air prétentieux, ces manières de matamore!
Elle aime ce moment, fragile, à peine perceptible, où il baisse la garde, se livre peu à peu, la laisse se couler dans ses mots, s'abandonne à une étreinte, intense et éphémère, où chacun reçoit comme il donne, attentif, léger. Amants d'une saison, qui se quittent un beau matin, emplis de tendresse, reconnaissants l'un envers l'autre d'avoir ranimé cette petite flamme qui entretient le désir.
Photo: Mimmo Rotella, La Finestra

5 commentaires:

passantepensante a dit…

Encore à corps accords, raccords.
Jolie histoire d'un abandon de soi avant de reprendre la route: il court, il court le furet des bois mesdames...
B.

le koala a dit…

Etrange. Les femmes pardonnent bien facilement la prétention et les "airs de matamore". Peut-être parce qu'elles s'y sentent en terrain connu.
Elles pardonnent peu la modestie et la réserve, par contre.

Yola Le Douarin a dit…

@B J'aime bien ton interprétation.
@ le Koala Pas si sûr, tout est question de circonstances. Et puis, en l'occurrence, c'était plutôt le rapport sensuel au texte d'un autre que j'avais en tête. Bienvenue!

Marie a dit…

Moi j'avais plutôt cru que vous parliez de votre rapport à l'écriture, comme quoi, on lit ce qu'on a envie de lire, dans un texte!

Yola Le Douarin a dit…

@Marie. Oui c'est cela aussi, car quand on rewrite le texte d'un autre, on est forcément confronté à sa propre pratique et à ses propres manques.