samedi 4 janvier 2014

Insoluble

Sur un coup de tête. Ou parce qu'elle n'en pouvait plus, espérait autre chose, elle s'était enfuie à Londres. A peine arrivée à l'hôtel, elle lui avait écrit Ne me laisse pas te quitter. Je t'aime. Je ne veux pas vivre sans toi. Elle avait attendu un appel, un SMS. Une semaine, un mois. Elle était rentrée à Paris. Un mot, un signe, elle serait revenue à lui, repentante, rassurée, heureuse. Il se taisait, l'exténuait de son silence.
Elle était partie depuis deux mois lorsqu'il reçut son message. Une grève de la poste l'avait laissé en souffrance tout ce temps. Pendant des jours et des nuits, à chaque instant, il avait cherché une explication, s'était perdu dans les hypothèses, égaré dans les conjectures. Il s'était tout reproché, l'avait accusée du pire. Il l'avait insultée, avait rêvé son retour, l'avait détestée, avait prié, lui qui ne croyait à rien ni à personne, l'avait maudite. Quand la carte lui était parvenue, il avait déjà renoncé. S'il l'avait reçue avant, les choses auraient-elles été différentes? Il trancha dans le vif. Trop tard, martela-t-il férocement. C'est trop tard.

Obéissant à une obscure impulsion, une sournoise désillusion, elle s'était éclipsée, voulait juste s'absenter un peu du quotidien. Dans le train, elle l'avait appelé Ne me laisse pas te quitter. Je t'aime. Je ne veux pas vivre sans toi. Je m'en fous, lui avait-il répondu d'une voix tremblante de colère. La rage au cœur, il avait raccroché. Elle l'avait abandonné. Elle n'était plus rien pour lui, décréta-t-il, impitoyable, effacée de sa vie, expurgée de ses pensées. Elle rappela, se fracassa sur les brisants de sa rancœur. Elle se désolait de sa précipitation. Si elle avait patienté un peu, un jour ou deux, les choses auraient-elles été différentes? Elle s'accrocha à cet espoir. C'était peut-être trop tôt.
Photo: YLD