mardi 2 janvier 2018

Dérobade



Elle est jolie Audrey. Des yeux noisette si lumineux quand elle rit, virant au bronze dès qu'elle est chagrinée ou fâchée. Romanesque, sans fausse pudeur. Ce soir, vous prenez plaisir à la regarder, probablement parce qu'elle s'éloigne de vous, ayant renoncé à vivre avec une ombre. Pas tout à fait. Vos sentez qu'elle n'a pas encore abdiqué. Elle fait mine de vous délaisser pour mieux vous adjurer de la retenir. En vain. Absent, fantomatique, en pointillés, vous a-t-elle reproché. Juste en disponibilité, avez-vous rétorqué. La vie vous effleure. Vous accueillez ce qui advient et ignorez le reste. Vous dédaignez ce qui ne s’offre pas à vous. Vous vous arrogez le droit à l'indifférence, vous octroyez la jouissance de l'indolence, le bonheur de la paresse sentimentale, de l'inertie affective. Ne rien faire, ne rien vouloir. Recevoir, savourer. Et oublier.
Oui, elle est jolie Audrey, pétulante et malicieuse. Vous n'en êtes plus ému. Vous le constatez, négligemment.Vous l'aviez fantasmée Hepburn. Vous vous êtes attardé, vous hasardant quelque temps dans son quotidien. Il n’y avait tout simplement, trop banalement, qu’Audrey. Rompre, vous pourriez en prendre l’initiative si vous ne craigniez de vous ennuyer ferme. Expliquer, argumenter, justifier, ça complique les choses inutilement. C’est fini, voilà tout. Vous attendez, impassible, qu’Audrey ait usé ses dernières illusions. Elle abandonnera, de guerre lasse. L’expression vous plaît assez…
Et vous songez déjà à Scarlett.
Photo: YLD