samedi 20 mars 2010

Coléoptique


C'est maintenant ou jamais. A force de me camoufler, de toujours repousser le moment de franchir la frontière de mon repaire, je m'ankylose. A trop observer le vaste monde du fond de mes velléités, je me ratatine. Mon courage s'étiole. La conscience de ma fragilité s'aiguise à chaque départ différé. Y aller avant que la peur n'ait eu raison de moi. Y aller, mais prudemment, à petits pas. Si les choses tournent mal, je pourrais battre en retraite. Non, y aller. Hardiment.
Je dois l'avouer, je suis un peu déçu de ce que je découvre. Je croyais me souvenir qu'alentour de mon terrier s'étendait une contrée luxuriante où s'épanouissaient des étendues verdoyantes constellées de jaune, de bleu, de rouge. Au lieu de cela, je dois escalader de hauts blocs de pierre irréguliers. Je progresse lentement et avec quelques difficultés dans ce territoire aride. Petit à petit, je m'habitue, lui trouvant même un certain charme. A ce désert pierreux succède un paysage encore plus déconcertant: un ruban noir se déroule à perte de vue, uniforme, monotone. Je n'ai pas envie de m'attarder en ces lieux hostiles, je force l'allure. Soudain, un vrombissement monte de l'horizon, enfle, remplit l'espace. Je pressens un danger sans parvenir à l'identifier. Un crissement me transperce de douleur, puis tout se tait.
Lorsque j'ouvre les yeux, je suis ébloui par une énorme tache blanche. La tête cotonneuse, les pattes emprisonnées dans un carcan en plâtre.

-Vous l'avez échappé belle, me sermonne la forme blanche. Sans la présence d'esprit du conducteur… Qu'aviez-vous dans la tête pour vous jeter comme ça sous la voiture?

- Un hanneton!

Photo YLD

4 commentaires:

François a dit…

Et le hanneton se retrouve dans un cocon. Métamorphose ? Peut-être qu’un jour, il s’envolera.

Yola Le Douarin a dit…

Métamorphose, oui, mais est-ce du hanneton?

philippe a dit…

toujours le m^me plaisir de lire ces lignes...

Yola Le Douarin a dit…

@Philippe: très touchée de tes visites régulières