samedi 1 décembre 2012

Vendetta

Œil pour œil, dent pour dent, ce serait encore trop doux. Tu t'es assez moquée de moi. Toutes ces soirées à t'attendre, que tu consacrais à la préparation de tes examens; tous ces week-ends à me morfondre pendant que tu rendais visite à tes parents à Strasbourg. Je prenais tes prétextes pour argent comptant. Tes révisions, tes parents, Strasbourg, des flirts, des aventures, tes infidélités. Je le savais, aveuglement. Tu en as bien profité. Maintenant, c'est moi qui mène la danse. Tu ne peux plus m'éviter. Je te surveille, je te suis, je m'invite là où tu es. Ma présence est le signal que ton nouveau mec vient de t'échapper, qu'il t'a déjà trompée. La première fois que tu m'as rencontré accompagné de cette fille superbe, tu t'es fichue de moi: si je croyais te rendre jalouse… Tu es maligne, je suis pervers. J'ai été à bonne école. Cette beauté n'est pas ma maîtresse, ou à peine. Ma collaboratrice, plutôt. Elle est redoutable. Pas un homme ne lui résiste. Tu as eu beau déployer tes talents de séductrice, elle campait dans le lit de tes amants. Elle est la meilleure à ce petit jeu. Juste pour le plaisir, se réjouit-elle, polissonne, à chaque victoire. Tes amis, tes collègues, ta sœur, ta mère découvraient sur Internet ta dernière conquête en pleins ébats avec la demoiselle. Les mâles de ta famille ont fait ce qu'il fallait pour me neutraliser.
Je n'ai pas renoncé. Je me suis fait discret, je rôde dans l'ombre. Depuis six mois, tu es pendue au cou de Manuel, un magnifique étalon, belle gueule. Pour la première fois, tu es vraiment amoureuse. Vous ne vous quittez plus. Le grand, le parfait amour. Tout à ton bonheur, tu ne me vois même pas ce soir dans la boîte où il a organisé une fête pour célébrer vos fiançailles. Tu es superbe, tu rayonnes, tu n'as jamais été aussi désirable. Manuel fait signe au DJ de baisser le son. Tu le dévores des yeux, émue. Une déclaration, une déclaration, scande l'assistance. «Désolé, ça s'arrête là. J'ai fini mon job», annonce Manuel de ce ton langoureux dont il sait si bien jouer. Ultime pirouette de Don Juan, qui, profitant de la stupeur générale, se dérobe prestement à la fureur de ta tribu.
D'habitude, ce sont des dames d'âge mûr qui paient Manuel pour leur tenir compagnie. Avec toi, c'était du velours, plaisantait-il, en empochant, chaque semaine, les mille euros que je lui avais promis. J'y ai mis le prix, c'est vrai; aussi, j'apprécie à sa juste valeur le spectacle de ton visage dépenaillé, ridicule poupée démantibulée.
Il y a un an jour pour jour que je me suis crevé le cœur. Bon anniversaire, petite garce!
Photo: YLD

2 commentaires:

Viv a dit…

Six mois à 6000 euros la semaine... Hé bein !
Le pire c'est que venant de quelqu'un capable de faire des choses pareilles, on ne peut même pas être sûr qu'elle l'ait trompé à la base. Un esprit aussi malade aurait très bien pu tout imaginer tout seul.

Yola Le Douarin a dit…

@Viv: à ce tarif-là, on a presque envie de se reconvertir :)